«El Recolector de Plumas» d'Ana Matey
(Le récolteur de plumes)
Work in progress qui s'est installé du 24 septembre au 5 octobre 2012 à l'Espace o25rjj
Texte et images et ci-dessous : les actions réalisées dans l'espace, dans les rues de Loupian, visite des enfants de l'ALSH, rencontre avec l'artiste.
Depuis 2008, Ana Matey récolte, collecte, glane des plumes. Ces plumes s'envolent, se posent dans des lieux et s'envolent à nouveau. L'Espace o25rjj à Loupian, France, a eu l'honneur d'être un des lieux (le troisième) qu'Ana Matey et ses plumes ont choisi pour se déployer.
Les installations délicates, toutes de grâce poétique, sont composées de matériaux qui subissent l'action du temps, de vidéos, traces d'actions réalisées dans d’autres lieux d‘exposition...
Ce work in progress qui propose également des actions sur plusieurs jours et met en suspension les matériaux et le temps a habité l'Espace o25rjj pendant deux semaines.
Avant même l'arrivée d'Ana Matey sur les lieux de sa résidence, l'Espace o25rjj était emprunt de son action. Nous avons en effet reçu par courrier deux plumes d'origines différentes, résultat de l'appel lancé par l’artiste dans le cadre de son action collaborative « Volver a volar ».
C'est à partir de ces 2 plumes que Ana Matey construira l’action majeure qu’elle présentera au cours de la soirée du 29 septembre.
Pendant la première semaine, elle habite le lieu, un rez de chaussée d'une habitation de village, et relève des particularités qui font sens avec son travail : le bois de la cheminée, les escaliers, l'obscurité du garage, la longueur du couloir. Elle vit l’espace et le fait résonner avec ses matières et son processus puis installe « El Recolector de Plumas ».
Le blanc est dominant dans son processus. Des plumes et des cheveux, l’instabilité de denrées alimentaires ainsi que des vidéos montrent l'évolution du 'work in process’. Certains travaux sont des propositions interactives. Ainsi, une série de dessins toujours très poétiques interagit en fonction du public : des compositions en suspension toutes en délicatesse et légèreté. Dans cet univers métaphorique, des inscriptions sur le mur orientent le public sur l’engagement politique et social du travail proposé.
Après une semaine d'installation, le public est invité à découvrir l’exposition et à participer à l’action majeure “Volver à volar”. Cette performance a été créée en fonction de l'espace et des 2 plumes reçues. Les chiffres ont une place importante dans le travail d’Ana Matey, son action et les suivantes ont donc été pensées autour du chiffre 2.
Une table basse blanche recouverte de cubes de sucre avec deux chaises installées de part et d’autre, rendent difficile le passage du public pour se déplacer dans les autres espaces d’exposition. Au-dessus de cette table, deux monticules de sel renferment 2 plumes sur 2 assiettes en suspension. Au-dessus de ces 2 assiettes, 2 blocs de glace en suspension qui renferment eux-mêmes 2 plumes. Ana Matey assise d’un côté de la table va pendant plus de 5 heures faire fondre la glace avec la seule chaleur de son souffle et de son visage, invitant - tacitement - le public à faire de même pour l’autre bloc de glace sur une chaise placée en face d’elle.
Sous la cheminée, fondent 2 autres blocs de glace qui, gouttent dans 2 blocs, et révèlent 2 bouts de bois captifs entourés de fil rouge.
Parfois, Ana Matey va remplir sa bouche du contenu de l'un des bols pour le déverser sur son bloc de glace et inonder l’assiette de sel.
La lenteur de l’action était accentuée par la consigne donnée au public de passer un par un devant la chaise de l’”invité” et d’attendre la fin de l’action de l’”invité” pour passer.
Cette lenteur offre au public la possibilité de s'attarder longuement sur l'installation et l'évolution du travail.
Cette suspension est aussi suspense : le public est dans un état d’impatience, confronté avec la possibilité de rater la fin.
Dans les escaliers du sas peint en blanc par l’artiste pour les besoins de l'installation, des blocs de glace recouvrent une marche et révélent en fondant des œufs, des épingles et un texte « marcher sur des œufs ».
Quand les deux plumes des blocs de glace sont libérées, Ana Matey les place sur du papier photosensible, plaquées avec des assiettes transparentes.
Trente-cinq personnes ont assisté à cette phase du processus.
Pendant chacun des cinq jours qui ont suivi, Ana Matey a décidé de faire une action de 2 heures. L’horaire est choisi en fonction de l'ensoleillement de l’espace, en fin d’après-midi.
Le premier jour, l’artiste porte un masque de nuit rouge, elle trempe ses doigts dans un récipient de 2 litres d'eau et laisse tomber les gouttes sur ce qu'il reste du monticule de sel pour libérer la plume captive du sel.
Le deuxième jour, l’artiste fait la même action pour l'autre monticule de sel.
Les deux plumes ainsi libérées ont été placées elles aussi sur du papier photosensible, plaquées avec des assiettes transparentes.
Le troisième jour, Ana Matey a rempli avec les plumes l'espace au sol délimité par le soleil entrant dans la pièce.
Le quatrième jour, un bocal de plumes fixé sur son ventre, Ana Matey a décidé de réaliser son action dans le village. Tout en avançant doucement dans les ruelles, elle sort les plumes du bocal, les compte et les mets dans son poing. Quand il y en a trop, elle les distribue aux passants, puis dans les boîtes à lettres, puis au vent. Elle aura au cours de cette action compté 1700 plumes pendant 2 heures.
Le cinquième jour, Ana Matey a soulevé les assiettes plaquées sur le papier photosensible et libéré les plumes. Elle a affiché les feuilles de papier sur lesquelles étaient imprimées en négatif les plumes achevant ainsi cette étape de son processus.
Sur le sol, des inscriptions à la craie documentent les chiffres clé correspondant à différentes étapes du processus.
Pendant ces 5 actions, l'Espace o25jj a accueilli une dizaine de personnes qui sont venues observer le travail en cours d’Ana Matey. |