Soirée Art Performance #3

"L'art d'action à l'ombre de Diogène" de Jean-Luc Lupieri

L’idée principale qui anime le texte s’articule autour d’une réflexion sur les implications esthétiques, philosophiques, poétiques et politiques de la performance qui donne à comprendre le caractère subversif d'une poésie en acte.
Le projet de ce travail est d'abord né d’un constat : celui d'une méconnaissance, assez répandue, des pratiques performatives au sein de l'art contemporain souvent confondues avec des formes spectaculaires d’animation comme l’art de rue. Il vise donc, en premier lieu, à circonscrire la performance – ou l'art d'action – dans le champ de sa spécificité pour autant qu'on puisse en délimiter l’espace propre en comparaison avec les autres démarches contemporaines. Pour cela, nous avons cherché à mettre en évidence son positionnement théorique et à développer une analyse de sa singularité artistique à travers un questionnement de ses modalités.
Ce qui a guidé notre lecture du phénomène repose sur le postulat d'une certaine communauté d'esprit avec la philosophie cynique de Diogène de Sinope qui, à ce titre, représente, selon le mot de Thomas McEvilley, le « saint patron » de l'art d'action. Bien plus qu'une simple proximité d'attitude ou une quelconque filiation historique, il s'agit en réalité de comprendre qu'une analogie peut être établie entre la position qu'occupe la philosophie cynique au sein de l'histoire de la philosophie et la performance dans le champ historique de l'art. Cette place, considérée en général comme mineure ou décalée, garantit à la performance une position d'étalon de par l'authenticité du geste qu'elle revendique et la rupture qu’elle instaure eu égard aux diktats du marché de l’art tourné vers le prestige et la distinction.
Autrement dit, sa situation marginale témoigne, selon nous, d'une forme affirmée de fidélité à l'impulsion première à l'origine de toute démarche artistique. Sa nécessité procède de l’actualisation d’une liberté qui cherche à s’affranchir des contraintes sociales, économiques et idéologiques.  

« Ainsi comme Diogène, et à sa suite, nous préconisons une autre pratique de la philosophie, de la poésie et de la politique, basée sur la provocation, la subversion, l'humour noir, le renversement de la conscience. Oui, notre philosophie aboie, urine et masturbe les dieux en public. Oui, notre philosophie est à côté des mendiants et provoque les puissants. Les artistes en action qu'évoque Jean-Luc Lupieri sont en guerre dans la poésie, dans la philosophie et la politique. Ils sont des artistes-philosophes concrets et des transgresseurs d'interdits. » Extrait de la préface de Serge Pey

Biographie

Jean-Luc Lupieri est né le 16 août 1964 à Toulouse. Après un parcours professionnel précoce et tumultueux, qui va des forêts audoises où il est bûcheron jusqu’à la cuisine sétoise d’un restaurant, il décide – à la suite de la lecture de Schopenhauer – d’entreprendre des études de philosophie à l’université Toulouse-Le Mirail. Au terme d’une Maîtrise en esthétique et d’un troisième cycle consacré à la poésie de Pessoa, il devient professeur de philosophie à Mazamet (81), puis est affecté à Pamiers (09) où il exerce encore.
En parallèle, il s’intéresse aux formes contemporaines de l’art et commence à s’impliquer dans plusieurs structures et associations avec pour idée la mise en œuvre de projets favorisant l’accès à l’art contemporain. À ce titre, il devient chargé de mission au rectorat de l’académie de Toulouse (Daac) en charge du cinéma, de la photographie et de l’art contemporain. Il mène simultanément des activités de chef de projet pour la mairie de Toulouse et de commissaire indépendant en partenariat avec différentes institutions et quelques événements régionaux : Afiac, Novela, Printemps de septembre, etc.
La majorité de ces actions avait pour visée essentielle de promouvoir les pratiques performatives et de les rendre, dans la mesure du possible, accessibles au plus grand nombre. Cette implication dans le milieu de la performance artistique et sa fréquentation de bon nombre de festivals internationaux l’ont progressivement conduit à réfléchir sur les aspects théoriques de cette discipline. Cela a abouti à la rédaction de plusieurs articles, publiés dans des catalogues, des revues d’arts et des ouvrages collectifs et à quelques conférences à l’occasion de festivals ou d’événements artistiques. Le résultat de cette recherche s’est concrétisé en 2017 par la publication d’un ouvrage aux éditions Maëlstrom : L’art d’action à l’ombre de Diogène, dont Serge Pey a rédigé la préface ; ouvrage qui s’attache à montrer le lien spécifique qu’entretient la performance – l’art d’action – avec la figure singulière du philosophe cynique Diogène et ses différents avatars dans l’histoire de la pensée.

Publications

2007          La philosophie en exil in L'école et la philosophie, Ed. l'Harmattan, Paris, 2007
2008          Catalogues d'exposition d'artistes :

• Lin Delpierre : Le chemin de Lin (Caza d'Oro)
• Edgar Dos Santos :  L'homme et la nature (Caza d'Oro)
• Florence Garrabé : Quelques remarques sur l'œuvre de F. Garrabé
• Carole Douillard : Manger Papa

2009          Catalogues d'exposition d'artistes :

• Edwood : La politique de l'autruche
• Edwood : La Beauté des monstres (Traverse Vidéo)

2010          Actions rituelles et monstrations thaumaturgiques dans l'art de la performance et la philosophie
                   cynique de Diogène, Inter, Art actuel, Les éditions Intervalles, Québec, 2010
2012          L'homme de lait, Inter, Art actuel, Les éditions Intervalles, Québec, 2012
2013          Temporalité et finitude, in D'ailleurs, L'art au risque du corps 4 - Printemps/été 2013 - Revue de la
                   recherche de l'institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon/Franche-Comté
2014          Temporality and finitude in performance, Mobile Album International, Les presses du réel, 2014
2015          Elementi critici di una teoria della performance artistica, in Italian Performance Art, Sagep Editori,
                   Genova, 2015
2017          L’art d’action à l’ombre de Diogène, Editions Maëlstrom, Bruxelles, 2017